Le budget

Le budget, c’est l’instrument de l’avenir d’une nation, d’un pays, mais pas celui qui est proposé par nos Premiers ministres, pas un budget personnel négocié dans le souk. Ce qui va faire que la France va redevenir une (bonne) société, c’est un budget qui va être présenté aux citoyens une fois que des décisions démocratiques auront pu redéfinir, confirmer un projet de société qui va impliquer et enthousiasmer tous les citoyens. Un budget qui sert à financer des institutions consensuelles, sur la santé, l’éducation, la sécurité, mais pas un budget dont le seul but est de pallier la multiplication des erreurs de fonctionnement.

En fait, le déficit budgétaire dont on nous rebat les oreilles recouvre deux concepts : le déficit annuel, toutes le dépenses que nous ne pouvons pas financer avec les rentrées d’argent du gouvernement, pour lesquelles nous devons emprunter et le déficit cumulé, c’est à dire la dette, les sommes que le pays doit à tous nos prêteurs. On comprend que ce dernier est l »addition des premiers.

Autour de ces notions, il y en a beaucoup d’autres : à qui empruntons-nous ? Aux Français ou à d’autres pays ? Pourquoi empruntons-nous ? Et surtout : pourquoi dépensons-nous ?

L’ancien merveilleux Premier ministre du Québec, Jacques Parizeau disait que nous réfléchissons à l’envers quand nous nous posons l’éternelle question : « pouvons-nous nous payer tel service? » Pour lui, il s’agit, au sein d’une nation, de penser à ce que nous voulons d’abord, pour ensuite trouver le moyen de le financer intelligemment. La France a défini des principes sociaux équitables, établi des institutions pour garantir ces principes, santé, éducation, périodes de pause, horaires de travail, égalité entre femmes et hommes et entre citoyens et bien d’autres magnifiques principes. Tout cela a été défini en 1789 et avant et par la suite par Napoléon et ses merveilleux juristes, par de Gaulle et bien d’autres, Simone Veil par exemple ou Robert Badinter. Nous sommes devenus une Nation.

Ce sont les budgets, ce que les citoyens « physiques » ou « moraux » versent à l’État qui financent notre société. Si nous ne voulons ou ne « pouvons » plus (j’en doute) financer notre société, alors il faut en créer une nouvelle et certainement pas une qui ne rembourse plus que la moitié de la santé, la moitié de l’enseignement, la moitié de l’égalité et qui filoute quelques euros sur vos états de compte. Au 21 è siècle, alors que nous sommes plus riches que jamais et que nous disposons de moyens techniques extraordinaires, dire que nous ne pouvons plus financer notre société comme nous financions celle créée de1936 ou celle de 1970 est un gros mensonge.

Ce qui blesse en France. c’est souvent ce manque de discernement, cette brume soufflée par les gouvernements qui s’abstiennent de répondre à la question dans son intégralité en prédisant que la banque va sauter.

Il faudrait être naïf pour croire que raboter 42 milliards çà et là dans les dépenses publiques règlerait les deux déficits. Tant que le budget annuel sera déficitaire, la dette augmentera…Dès l’an prochain, il faudrait encore raboter au moins les mêmes services, probablement plus en tenant compte de l’inflation et de dépenses supplémentaires (armement) et encore plus si les rentrées d’argent diminuent en raison d’une baisse de l’activité économique. Même ces coupures ne suffiront pas à stopper l’accroissement de la dette.

Nous vivons dans l’espoir qu’un boom économique va provoquer un tsunami de revenus pour l’État, mais les crises se succèdent et nous laissent dans le vieux système avec une dette qui ne peut que croitre dans un pays vieillissant, au fil de guerres et d’épidémies elles aussi en pleine croissance…en grande partie à cause de notre vieux système économique de consommation !

Plus de trois mille milliards. En soi, la dette représente un état des lieux de la société française telle qu’imaginée par les gouvernants. Que veut-on et comment veut-on le financer. On a compris que gratter les dépenses a une limite dans le temps. Si, dans cinq ans la « Sécu » ne rembourse que 40 % des dépenses, que les classes comptent désormais 45 ou 50 élèves, les économies de coupures risquent de se transformer en dépenses : moins de revenus pour ces fonctionnaires, baisse de qualité des prestations, dégradation de la santé publique, salaires réels en baisse et consommation qui baisse encore non volontairement pour préserver la nature, mais parce que le système économique est épuisé. Il faut donc revoir les concepts qui recouvrent ce sujet : que veut-on ? Plusieurs pays ont expérimenté le bon vieux truc de vendre les actifs étatiques les plus rentables : aéroports, autoroutes, énergie, mais il n’en reste plus et la dette est toujours là. On a même failli déplacer la gare de l’est à Paris…pour ajouter 100000 contribuables à Paris ? Citons aussi l’hôpital de Caen qui renvoie ses internes à cause d’un déficit de médecins pour les encadrer, mais comme les internes réduisaient considérablement le travail des médecins en recevant les patients ou rédigeant des ordonnances, les médecins se retrouvent devant une tâche encore plus lourdes.

L’idée de la gauche française de refaire une Constitution a de quoi séduire. Cela pourrait permettre aux citoyens de s’exprimer, à condition que ce processus se fasse dans un cadre bien défini : assemblées citoyennes organisées dans tout le pays, présence d’experts pour répondre aux questions et susciter le débat. L’ex-Premier ministre du Québec avait créé des « commissions régionales », immenses chantiers populaires pour définir la société québécoise auxquels tous les citoyens et tous les partis politique ont participé. Une nouvelle Constitution insoumise ou partisane n’a pas de sens et ce ne sont pas les monologues du grand Président devant des auditeurs béats qui vont refaire la République.

Il existe au 21ème siècle très peu de personnes aptes à diriger un pays. Trump, Poutine Xi – les pires, et d’autres n’y parviennent pas. Celles qui le pourraient encore ne font pas de politique. C’est un travail de citoyens, de travailleurs, de groupes, de régions, de classes, c’est un apprentissage de la compréhension des phénomènes mouvants des sociétés. Pour cela, il faudrait engager un processus de citoyenneté dès l’école comme cela se fait déjà en Norvège par exemple. En attendant de parfaire la politique citoyenne, nous pouvons au moins l’entreprendre. On nous dit que le peuple n’est pas prêt, mais cela fait tellement de temps qu’on nous le dit !

Ce n’est pas le sens civique que nous et nos enfants avons perdu : c’est le sens de notre vie en société. Nos solidarités sont intactes, nos volontés sont justes et éthiques. Elles sont à peine ébranlées par la violence et l’abandon social et par les crises, mais il suffira d’un souffle pour y revenir. Dans le cas qui nous occupe, nous n’avons plus besoin d’un énième Premier ministre mais plutôt d’une pause démocratique, d’un congé de République pour la redessiner, pour faire société une nouvelle fois, avec une implication forte de ce que nous appelions « la société civile », des citoyens.

Dès lors qu’un projet de société est élaboré, il peut être mis en place démocratiquement (on le fait différemment en Chine ou à Singapour, ce qui revient à poser une bombe sociale pour l’avenir. Un projet démocratique doit être sérieusement révisé, pas en changeant un ministre ou un président. Il ne s’agit plus de détails, mais bien de recréer un ensemble cohérent, puis un projet de financement. Et à ce compte, la dette importe moins puisqu’elle va précisément servir la solution, non plus les erreurs.

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Diviser pour régner

C’est assez exceptionnel qu’un Premier ministre, adoubé par la classe politique, propose la lutte des génération pour parvenir à maintenir son pays dans la brume.

Et bien sûr, c’est une démarche répugnante et stupide Il n’y a pas de génération qui perd ou qui gagne. Après la guerre de 39-45, ces fameux boomers ont pour la grande majorité vécu des débuts de vie difficiles dans des pays détruits. On oublie de compter cette désolation provoquée par la guerre. Ce sont les boomers qui ont été affectés, dans leur enfance par ce carnage… et le suivant, l’Algérie

Faute d’argent, les appartements étaient mal chauffés, et le quotidien était maigre. Les enfants s’habillaient avec les vêtements usés de leurs ainés, les vacances, quand il y en avait, se passaient dans des camps de vacances ou « chez des gens » à la campagne. Plus tard, les salaires restaient très bas, particulièrement en France. En 1970, l’indemnité de chômage d’un immigrant au Canada était supérieure à ce qu’un Français du même âge percevait en travaillant 45 heures.

En 1970, un directeur au gouvernement canadien gagnait 10 000 $ par année. Ses enfants gagnent aujourd’hui plus de 100 000 $, ce qui est aussi plus que le salaire que sa mère, diplômée des HEC, gagnait en fin de carrière. La France n’a pas connu des progrès semblables. Même les patrons français avouent que les salaires de 2025 sont trop bas.

Dans les années 60, il fallait des mois d’économie, quand on pouvait en faire, pour se payer un billet d’avion. Aujourd’hui, le prix commence à 25 euros et le logement suit.

Bien sûr, les jeunes, fils et petits-fils des boomers ne sont pas non plus les privilégiés que d’aucuns dénoncent encore sous prétexte qu’ils ont des machines à laver ou des ordinateurs qu’ils n’avaient pas « à l’époque ». Ce ne sont pas les milliardaires qui émigrent, mais les jeunes. Outre Atlantique, leurs compétences sont immédiatement testées et reconnues. Ils ont accès à des postes pour lesquels ils auraient dû attendre des décennies s’ils étaient restés en France.  En France, leurs revenus seront souvent inversment proportionnels à leur dévouement et à leur pratique de solidarité, notemment en médecine, enseignement ou police. S’ils sont en couple, ils vivront séparés au gré de l’administration, autant de complications inutiles à l’époque de l’informatique.

Autant pour les « avantages » que pour les « inconvénients », chaque classe d’âge vit finalement au fil de son époque et au sous-sol des gouvernants. On peut bien accuser les bommers d’avoir pollué le monde des jeunes, mais eux se feront probablement accuser d’avoir consommé la planète ou de ne pas avoir combattu les inégalités dans le monde avec la ferveur de leur père et la menace de leurs chefs.

Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que malgré tous les progrès technologiques ou sociaux réalisés depuis 1945, la société ne fait jamais que perpétuer l’ancien système, qu’elle est incapable de faire travailler moins ou de faire travailler mieux. Le taux de chômage est stable sur une cinquantaine d’année, entre 7et 10 %, un taux révélateur de l’organisation sociale.

La société, puisque nous croyons vivre dans cette construction, n’a rien à proposer, aucun projet, aucun avenir même si nous sommes aujourd’hui capables de construire en une journée ce qui nous prenait un mois il y a peine cinquante ans. Nous ne savons pas que faire de nos 65 millions de citoyens, pas plus que de nos 9 milliards de Terriens, rien d’autre que de les maintenir dans un état de production pour assurer leur minable consommation.

C’est cela le vrai problème, que le Premier ministre réduit en « budget » et c’est probablement le problème dont les générations futures hériterons parce que, loin de la promesse vide qui se termine par « pour nos enfants », nous nous consacrons tous, sur terre, à consommer sans bien savoir ce que nous faisons. Ce leg, ce n’est pas à nos enfants que nous le faisons, mais à nous, ici et maintenant. Nous respirons du cancer, nous nageons dans du plastique et corriger cela ne fait pas partie du projet économique.

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Non seulement l’Europe n’a rien fait

Vu du monde entier, le peuple d’Israël n’a pas montré qu’il désapprouvait ses dirigeants. Quand il y a eu des contestations, ce n’était pas contre l’action du gouvernement ou de l’armée, mais pour la libération des otages. C’est certes compréhensible mais on ne voit pas de désapprobation forte du carnage de Gaza parmi la population.

Puis il y a eu quelques mouvements, plutôt timides. On se demande si les classes supérieures veulent donner l’impression qu’elles n’ont jamais accepté l’action de leur gouvernement. Pourtant des foules ont déjà réussi à empêcher des massacres. Pas partout, pas à Dresde, pas en Tchétchénie, mais peut-être en Slovénie et dans les pays baltes quand l’URSS est redevenue Russie. Puis Poutine nous a fait penser à la Palestine aujourd’hui : « les chasser jusque dans les chiottes » disait-il, un discours qu’Israël met en pratique,

On entend même cette journaliste d’une radio d’Israël déclarer que « les Américains » ont une responsabilité dans le massacre de Gaza. Les Israéliens non. Nous entendons encore : « si le Hamas avait libéré tous les otages, la paix serait revenue ». J’en doute. La prise d’otages, si elle est une entreprise épouvantable, montre qu’en pratique aucune autre solution n’est envisageable. Les prises d’otages n’arrivent qu’à la fin d’un long processus qui ne peut aboutir, une sorte de dernier recours. Alain Bauer dit que les terroristes disent toujours ce qu’ils vont faire. Personne ne devrait être surpris. Il aurait fallu arrêter avant et dans bien des cas, personne n’a essayé.

Ce qui m’a frappé en allant à Dachau, ce n’est pas seulement le camp, parce que cette horreur bien humaine est bien connue et documentée. C’est surtout en sortant du camp et en marchant dans le village que le choc s’est produit. Il est impossible que les habitants de Dachau n’aient rien su. La quantité de véhicules qui entraient dans le camp, l’odeur de chaire brûlée, les bruits, étaient le quotidien des paisibles habitants. Comme pour nous aujourd’hui.

La guerre d’Ukraine est devenue le grand déclencheur de la situation du monde en juin 2025. D’abord parce qu’elle a révélé l’oisiveté occidentale.  Poutine a testé, testé, testé et obtenu la conviction que nous ne ferons rien. Netanyahou a suivi, testé, testé, testé et il est parvenu au même résultat. Ils n’ont aucune raison de s’arrêter et si jamais ils s’arrêtaient ils auraient déjà obtenu plus qu’ils l’auraient souhaité.

Alors qu’il n’était que le bras armé des États-Unis et de l’Europe, quand même, pour contrôler la région délimitée par le rayon d’action de ses missiles, Israël en est aujourd’hui le chef. Il frappe où il veut au moment propice, par exemple quand le président américain reprend ses négociations avec l’Iran et surtout quand il peut terminer Gaza en silence avec seulement un avion et trois fusils…

Au même moment, Macron estime qu’il faut hurler pour Gaza et aider Israël pour l’Iran, comme s’il s’agissait de sujets différents. Netanyahou semble être le seul à comprendre que l’un ne va pas sans l’autre qu’il s’agit pour lui de la même guerre. Non pas parce qu’il veut envahir l’Iran, mais parce que ses ambitions régionales ne peuvent se faire avec une Iran bien armée, une Iran bien pourvue en cerveaux, ni avec une Iran en paix avec les leaders occidentaux. Israël veut des territoires et contrôler ce qu’elle ne peut pas conquérir.

Les États-Unis, la France, sommes maintenant dans le piège tendu par Israël. Prisonniers et probablement victimes. Israël est une gigantesque machine à fabriquer des terroristes, des réfugiés, des haines, des guerres. Si elle avait voulu « libérer » la Palestine, elle ne l’aurait certainement pas conquise, démembrée. Elle n’aurait pas aidé le Hamas contre l’Autorité et ne tenterait pas maintenant d’aider des factions opposées au Hamas. Il fait comme les Russes, il peuple le pays de ses voisins. Netanyahou nous a testés. Il a le champ libre.

Vu du monde entier, il n’est pas possible de condamner la Russie pour son attaque sauvage contre l’Ukraine sans condamner Israël pour une pire attaque contre la Palestine (rappelons que si Gaza a été rasée, le reste de la Palestine subit depuis des années les assauts de citoyens israéliens qui colonisent leurs terres avec l’appui de Tsahal et le silence mondial).  Peut-être aussi que l’attaque d’Israël contre l’Iran préfigure celle de la Russie contre un autre pays d’Europe. Et personne ne croit dans le monde que qui que ce soit a envie de négocier sous les bombes.

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Le président qui a cassé tous ses jouets

Le président Macron, comme un enfant qui a cassé tous ses jouets, en a cherché désespérément un dernier, et il a trouvé celui qu’il avait scénarisé en 2017,  hurlant sur la neuvième de Beethoven : le Louvre.

Après avoir écumé ce que l’on apelle encore ici les Outre-mer, organisé des dinettes à Versailles ou Notre-Dame, le voici de nouveau sur le Louvre. Alors que les spécialistes voudraient revoir l’intégrité des bâtiments, réparer ce qui devait l’être, protéger un magnifique patrimoine, attirer plus de visiteurs dans les salles moins fréquentées, le Grand architecte au col Mao souvent déboutonné vient d’ordonner juste le contraire.

Il va créer une nouvelle grande entrée en trifouillant un peu le monument historique et les règles, concentrer les « best-off » (on s’est américanisé à la banque, non ?) dans une nouvelle salle et tant qu’à y être, augmenter le prix d’accès quand les grands musées ailleurs instituent la gratuité. On oubliera donc les rendez-vous à la cafette à 30 euros l’entrée, pas l’entrée du menu, mais celle du musée, ce sera 30 euros pour les « étrangers ».

Le plus difficile pour rentabiliser l’augmentation du coût de l’entrée (il faut bien que l’augmentation ne soit pas absorbée par les frais qu’elle engendrera) sera de vérifier la nationalité de l’acheteur des billets puis une seconde fois à l’entrée. Il y aura probablement des scalpeurs pour revendre les billets des « nationaux » aux « étrangers ».

Les 400 millions du projet (d’autres parlent d’un milliard) seront financés par les recettes du Musée, qui ne les aura probablement plus pour les réparations annoncées avant le discours du Grand architecte. Mais comme il y aura d’autres musées à revoir, ce sera des centaines de millions de plus que le budget de M. Bayrou devra annoncer. Il est aussi prévu de créer une grande salle d’exposition quand il y en une très belle et très rénovée au Grand Palais. Alors, pourquoi au Louvre ?

Le plus choquant, une fois de plus et, pitié, la dernière, c’est l’épouvantable comportement du chef de l’État à l’égard des citoyens et de celles et ceux qui œuvrent dans le domaine. Tout le monde savait en effet que le Louvre était en péril, et depuis longtemps, au moins trois années. Il appert aujourd’hui qu’il ne fallait pas en parler publiquement. On allait, pour le bouquet final du Président, organiser l’affaire. D’abord à la radio, la semaine dernière, l’appel émouvant du Louvre, les fuites d’eau, puis, trois jours après, la conférence de M. Macron écrite de fil blanc depuis Notre-Dame hélas trop lointaine dans les esprits pour être le bouquet final de la présidence, qui propose un sauvetage inopiné à la Zorro.

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Donc voilà. La France en 2024

On ne comprend plus rien. C’est le titre d’un film, à peu près (https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=1000013459.html), c’est aussi la chanson-titre de notre vie d’aujourd’hui. Il y a les banlieues, certes, les règlements de comptes, les jeunes, les insultes, l’incivilité comme on dit, mais il y a le reste et le reste est bien pire, c’est la mère (disons le père pour être précis) de tout cela. « vous seriez bien plus dans la merde » (si la France n’était pas là pour vous sauver NDLR) hurlait Macron devant les sinistrés de Mayotte.

Bien non, la merde, c’est lui, ses semblables, les politiques, les dirigeants, les systèmes politiques hors peuple, la démocratie sans le démo. À un point tel que hurler des mensonges, des chats mangés par les immigrants, constitue une meilleure campagne électorale que ces « au service de la Nation » perroqués par les politiciens classiques. Cette inversion du discours est en lien direct avec la violence populaire, c’est dire, effectivement, que l’on peut autant croire à Ubu qu’à Spinoza.

Dans le gouvernement qui prend forme en France (enfin, ça fait maintenant six mois qu’il prend forme), il y a deux ministres qui trainent des casseroles, le Premier ministre et la ministre de la Culture. Et on n’a pas fouillé partout. L’un pour une suspicion de fraude à l’emploi, l’autre pour corruption dans l’empire Ghosn, le type qui a été exfiltré du Japon dans une boite, ancien patron de Renault et de Nissan, les deux aujourd’hui malades de sa gestion, le Musk de l’époque.

Revenons à Paris. L’expression-clé du président français, « en même temps », prend ici tout son sens. En même temps, il y a ce cafouillage politique où tous veulent être calife à la place du calife, et pour cela, on multiplie le nombre de premiers ministres, une floppée depuis la présidence Macron avec une envolée après la dissolution de l’Assemblée nationale. Ils passent, puis donneront des conférences à 200000 euros pièce, vendront leurs secrets d’État à des entreprises, puis recevront chacun un accompagnement policier (une « protection ») et une voiture jusqu’à la fin de leurs jours et même après quand leur épouse bénéficiera, 30 ans plus tard, de cet héritage alors que leur mari aura été oublié depuis longtemps et que ce seul oubli constituera une protection encore plus efficace que celle que les citoyens continueront quand même de payer jusqu’à la nuit des temps. En France, des centaines de millions d’euros sont ainsi dépensés pour toutes sortes d’avantages attribués aux anciens élus.

Ce n’est pas d’hier, ces casseroles : Sarkozy, ancien président de cette société bananière d’où nous écrivons ces lignes vient d’être condamné « à nos frais » toujours, parce que lui ne paie rien. Il va se battre comme un Trump jusqu’en Cour européenne des droits, dernier recours contre la Cour de Cassation (la plus grande du pays). Dans ce pays de l’état de droit, l’ex-président Sarkozy s’outrage d’une justice, « devenue injuste » après Lui, qui ne serait plus celle qu’il infligeait généreusement à ses opposants quand il était chef, c’est à dire la justice de la Karcher. Lui se contentera d’un bracelet et peut-être quelques autres bijoux s’il est « positif » aussi dans les autres procès qu’il s’apprête à subir.

Il y a plus important : le crime  de Mazan, le nom du village de 6000 habitants, que l’on gardera en tête pour éviter de citer celui de son principal auteur, son mari, un nom qu’elle porte encore. 51 hommes se sont succédé durant des années dans la chambre pour violer Gisèle Pélicot, droguée par son mari et mise à la disposition de ces 51 salopards que l’un de leurs avocats décrira à l’issue du procès comme « ces garçons », suggérant par là des condamnations « trop sévères », entre 1 an et 15 ans pour ceux-là alors que Pélicot obtiendra le maximum, mais quand même une plus petite peine que celle infligée à sa femme.

Certains des « garçons », ont lancés des commentaires affligeants, malgré des peines jugées peu sévères, bien moindres que celles les réquisitoires. Et cet avocat qui hurlait à la sortie du tribunal à l’encontre des femmes qui suivaient le procès : des « hystériques…des tricoteuses.. » Les sorcières de Salem en 2024.

Toujours important, Mayotte. Une ile devenue « département français » il y a quelques années, au même titre donc que le Pas-de-Calais ou les Pyrénées atlantiques, mais abandonnée au titre d’une colonisation moderne.

Mayotte est devenue département français au cours d’un long périple politico-administratif commencé en 1974 et terminé en 2011 après une série de référendums et de lois, malgré tout, trop peu ou pas assez pour établir un tel changement surtout quand il n’existe rien de concret pour asseoir les promesses. Mayotte voit régulièrement des manifestations pour rappeler les engagements, sans effet, Mayotte reste un département en crise permanente et le plus pauvre des départements.

Il existe un fort contentieux avec les Comores voisines et quoi qu’on en pense, le passage d’une culture locale ancienne vers une culture française et pratiquement « parisienne », certainement un concept républicain français, n’a pas pu se réaliser et on peut aussi se demander si les autorités françaises ont jamais voulu qu’il se réalise comme l’ont souligné plusieurs économistes (France-info 23 décembre 2024 par exemple).

Les objectifs. les promesses qui, rappelons le, ont amené ce rattachement à la France sont très loin d’être atteints selon les termes des autorités européennes et françaises : « déblocage de fonds européens pour développer des actions prioritaires dans le but de favoriser l’accès à l’eau, l’accès à l’éducation, résorber les habitats insalubres et de mieux gérer les éventuels risques de dérapages financiers« . Une référence : Le Point magazine, « Départementalisation de Mayotte : une bombe à retardement, selon la Cour des comptes [archive] », sur Le Point, 13 janvier 2016, il y a huit ans.

On imagine mal comment, après le sinistre de décembre 2024 les Mahorais auraient pu être « bien plus dans la merde » sans ou avec la France. Presque tout l’habitat est détruit, il n’y a pas d’eau courante ni même de réserve d’eau, seulement de l’eau polluée que les habitants avalent avec les microbes qui y sont associés. Plus de téléphone, de communication, plus d’électricité, plus de nourriture. En temps « normal », pour l’eau, il faut lire l’avertissement de l’UNICEF : https://www.unicef.fr/article/mayotte-un-acces-a-leau-potable-presque-impossible/

Selon la phrase célèbre du Président : « qui aurait pu croire » à propos du dérèglement climatique, ce n’est pas le gouvernement français qui aurait pu : pas de prévention, pas de stocks à proximité (la plus proche terre française est à 1400 km), pas de bateau prêt à charger, pas d’avions, aucune mesure de conservation, au point que l’on se demande à quoi aurait pu servir Mayotte au gouvernement français ? Une base avancée? Le port ? Une tête de pont de quelque chose ? Et on se demande pourquoi un gouvernement français s’intéresserait à une ile de 400 000 habitants, secouée par des cyclones et des problèmes sociaux ». Un projet quelconque a-t-il déjà existé pour Mayotte, une idée perdue dans les couloirs du pouvoir ?

Plus d’une semaine après le cyclone, les routes étaient dégagées pourtant et les journalistes se demandaient avec la population pourquoi il n’y avait pas de camions qui circulaient pour distribuer l’eau et la nourriture. Pourquoi n’a-t-on pas utilisé Starlink ? Pourquoi n’y a-t-il pas ou presque pas d’hélicoptères ou d’ambulances aériennes ? Des Mahorais voient leurs blessures s’aggraver, certains n’osent pas demander d’aide par crainte d’être déportés. Le énième Premier ministre nommé par le président pour tenter de faire disparaître le résultat de Sa dissolution de l’Assemblée nationale (il évince les gagnants pour maintenir son gouvernement de droite), François Bayrou qui cumule son poste de maire de Pau et de Premier ministre, a répliqué aux personnes qui lui reprochaient d’aller à Pau plutôt qu’à Mayotte après le cyclone, que « Pau c’est en France ».

Ce n’est pas que la politique qui est bloquée, doctrinaire, c’est l’économie aussi. Ministre après ministre, on ne cherche jamais à financer un projet (y a-t-il un projet ?), on cherche à diminuer les services, à les limiter pour « rester » dans un budget par ailleurs gonflé par les dépenses somptuaires, par de l’incapacité à gérer, traduite dans les faits par un déficit gigantesque. 

Personne ne cherche à financer la reconstruction de Mayotte, ni d’ailleurs la comprendre, en saisir le sens, ce qu’elle sera et qui elle impliquera. On ne cherche pas plus à financer les retraites, mais à les limiter sachant qu’elles coûteront de plus en plus cher et qu’on « n’y peut rien ».

La fixette sur la retraite par répartition, l’intouchable hiérarchie sociale empêche tout « bougé » dans ce domaine – c’est le mot à la mode. Tant pis si des citoyens qui ont travaillé toute leur vie reçoivent 900 euros par mois, c’est tout ce qu’on peut faire, on n’a plus d’argent ! La politique française est « convenue » soumise à une réalité qui n’existe que dans la tête d’élites héréditaires. L’un ne savait pas ce qu’est un hectare. Il était ministre de l’agriculture. Et les pommes « moi non plus » il ne savait pas le ministre Lemaire.

Jacques Parizeau, ancien Premier ministre du Québec et brillantissime économiste disait qu’il faut d’abord se demander si un projet doit être réalisé puis trouver le financement pour le faire et non pas le contraire. Augmenter les frais de scolarité ? La réponse est non et il faut trouver le moyen de financer le système. Réduire les retraites, allonger la durée du travail ? Non, il faut mieux financer les retraites. Au Canada, un gouvernement a puisé dans le fonds de l’Assurance-chômage pour combler un trou. En France, l’État est allé jusqu’à « intégrer », c’est à dire saisir, les régimes de retraite particuliers (avocats par exemple), plus riches, pour les diluer dans le régime général trop pauvre. Niveler par le bas dit-on.

Nous n’entendons jamais parler de projet de société en France. On y parle de République, mais autant de République cleptomane que de République communiste, comme si c’était la même chose. On n’y comprend plus rien, on ne sait pas ce qu’on va nous faire et les Français, si résignés, se disent prêts à suivre les oukases pendant que la nation sombre dans la folie du marché. Donc, voilà !

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Le G 50 de Paris

Nous avons vu bien des G7, puis des G20 se tenir dans des grandes capitales (enfin bien souvent un peu à l’écart), ces grandes réunions de chefs d’État planqués derrière de très longues barrières et de très longs cordons de police, devant des citoyens enfumés aux gaz lacrymogènes autant que par des théories écono-politiques nébuleuses.

Ces colloques font l’objet de manifestations parfois violentes parce qu’ils sont secrets qu’ils sont des sources d’inquiétudes légitimes pour les citoyens et, malheureusement, parce qu’ils mondialisent trop souvent de mauvaises idées et de mauvaises pratiques politiques.

Notre point ici n’est cependant pas de nous étendre sur les effets du G20 ou de Davos, mais bien plutôt de comprendre le phénomène « Notre-Dame ». Le président Macron, devenu (du moins il le croit) incontournable en politique internationale depuis qu’il a incendié la métropole et les colonies vient d’inventer un G50 monumental. Il va réunir une cinquantaine de chefs d’État pour inaugurer la remise à neuf de la cathédrale.

Ce ne sera certainement pas un événement religieux mais politique. Le Pape lui-même n’y sera pas. Ce sera donc un « simple » G50, simple s’entendant au sens Macronien du terme, c’est à dire à son image.

Le grand souci des G20, c’est leur coût. On imagine celui d’un G50. Il faut loger les chefs et leur suite, car ils ne viennent jamais seuls et surtout les protéger et les amuser. Le président américain – ce ne sera évidemment pas lui, mais son spectre qui viendra déjà nous hanter – a déjà commencé à envoyer sa flotte de véhicules blindés et son armada de sécurité. Jill Biden viendra aussi. Les autres, probablement plus modestes ou moins peureux seront aussi accompagnés de quelques personnes, c’est la fête et tout le monde veut y être. C’est la Boum à Macron.

Le logement, ce sera dans un premier cercle de protection policière. À Notre-Dame et autour, il faudra compter plusieurs autres cercles : dans la cathédrale, autour du parvis et encore un autre cercle préventif autour du quartier, commerces et bouquinistes fermés jusqu’au Pont Neuf. En fait, on boucle toujours le quartier, c’est une habitude. Enfin, il faudra aussi protéger les itinéraires, les avenues, les quartiers dans lesquels « ces messieurs » (en majorité) passeront ou voudront passer – tant qu’à se déplacer à Paris, autant visiter.

Il n’y aura pas seulement que des chefs d’État à la fête. Il y aura des financiers. Ken Langone, un donateur des Républicains des États-Unis ou encore Kenneth C.Griffin qu’on ne présente plus…

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kenneth_C._Griffin

Bien sûr, on a reçu 800 millions d’euros de plusieurs donateurs français et étrangers. 800 millions d’euros, c’est 20% du salaire de 2022 de monsieur Griffin. Il aurait pu se payer Notre-dame à lui tout seul. Mais on sent une hiérarchie chez les donateurs et ce G50 en est la démonstration. Tous ne seront pas remerciés avec le même faste.

Et encore, l’idée du don…et de donner. Au Canada, par exemple, l’Agence du Revenu ne retient pas comme don ceux qui sont assortis d’un avantage quelconque.

Paroles, paroles, supputations, nous ne savons rien en fait : qui paiera les dépenses personnelles des invités, qu va payer la police, l’armée, le logement, les frais, les repas puisqu’il faut s’attendre à de bons repas, pourquoi pas Versailles, le Louvre, Macron is the limit !

C’est pas pour dire, hein, mais en même temps, à Paris, dans les campagnes, il y aura toujours des petits salaires, des retraités, des petits donateurs de Notre-Dame même, qui devront sauter des repas, des toiles pour s’offrir le train pour Paris et d’autres qui ne le pourront tout simplement pas.

Cette réouverture de Notre-Dame, c’est une allégorie si clairement dessinée, c’est l’ascension vers le ciel de ce petit coq (pas celui auquel vous pensez, mais celui qui est juché en haut de la flèche) qui invoque la finance plutôt que la religion pour atteindre le ciel. Dans ce monde, ni l’une ni l’autre ne tiendront pourtant jamais leurs promesses.

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Ce ne sont pas les astres qui s’alignent

Ce ne sont pas les astres qui s’alignent ! Ni des étoiles, mais bien plusieurs hommes, (on ne voit toujours pas les femmes), chefs d’État occidentaux aux prises avec une nouvelle insurrection mondiale en construction. Le plus puissant de ces pays, les États-Unis, comme ceux qui croient l’être, en Europe, sont en train de mettre une dernière touche à ce que l’éditorialiste appelait en 2009 « un chaos prémédité ». Il s’agissait alors de l’occupation de Gaza, par Israël et celui que la presse internationale désigne comme un bandit, Netanyahou. Nous y retournons après 15 ans de violence, de misère, de tractations et de corruption.

Israël, jadis menacé par l’esprit de reconquête d’un monde arabe après l’octroi de plus la moitié des terres qu’ils croyaient être leurs, est devenu, au fil de l’Histoire, la branche armée de l’Occident. Elle est bien celle des États-Unis et de l’Europe, qui lui ont confié une « mission de paix » au Moyen-Orient moyennant un soutien indéfectible. Cela pouvait durer tant que l’Égypte et les autres pays limitrophes n’avaient pas les moyens de devenir un véritable danger pour Israël et le reste du monde. Après l’attentat de Munich, les Occidentaux ont commencé à prendre la mesure de l’état du monde et à utiliser des moyens sophistiqués de contrôle des personnes, particulièrement dans les aéroports… jusqu’à l’avènement de la photographie spatiale et de la géolocalisation.  On comprend dès lors qu’il devient extrêmement difficile pour un groupe armé ou un pays de concentrer des forces en vue d’une quelconque action contre un pays doté de ces « outils ».

L’équilibre mondial  qui existait grâce ou malgré la bombe atomique a commencé à changer. En 1979, c’est le régime cruel du Shah qui a été remplacé, avec une aide « passive » de la France qui a accueilli le premier ayatollah de l’Iran moderne.

Israël s’est constitué une armée de pointe en symbiose avec la plus forte du  monde. Pour donner une idée de la puissance de cette armée du « 52ème État » des États-Unis, pendant la guerre des six jours de 1967, Israël a détruit en moins d’une semaine toutes les aviations et toutes les forces armées des pays qui voulaient l’attaquer. Les avions ennemis n’ont même pas eu le temps de décoller.

En même temps, les armées de libération palestiniennes sont entrée en guerilla qui s’est solidement établie à Gaza grâce à Israël qui a favorisé l’implantation du Hamas dans cette partie de la Palestine. Bien que cette théorie soit contestée, la question de l’implantation du Hamas à Gaza par Israël reste posée aujourd’hui encore (https://www.bbc.com/afrique/articles/c0xy0l391g0o). Il est vrai et confirmé qu’Israël payait des salaires à Gaza durant l’occupation alors que le Hamas se préoccupait du « social », et cette seule situation, accptée et soutenue pas Israël a véritablement scellé, au moins dans les faits si ce n’est par un projet politique intelligent, la présence incontournable du Hamas à Gaza.

Pour Israël, la présence du Hamas rendait difficile, voire impossible, la reconstruction d’une force politique palestinienne du type de celle qu’Arafat, chef de l’OLP avait instituée. Plus encore, rendre caduque le projet de paix élaboré avec Arafat, Rabin et Perez. L’assassinat de Rabin a été un avertissement.  L’intention d’Israël était claire… et stupide.

Elle devait, tôt ou tard, mener à la situation qui prévaut aujourd’hui, l’organisation perpétuelle d’attentats non seulement au Moyen-Orient, mais partout dans le monde. La fameuse phrase du Che « Il faut créer deux, trois, plusieurs Vietnam » est devenue la réalité, modifiant profondément les relations quotidiennes et la sécurité des citoyens dans tous les pays et en établissant un état de guerre permanent entre le Moyen-Orient et le reste du monde. Pour le peuple des Kibboutz et leur principal allié, les États-Unis, c’est un triste échec dont l’ensemble des populations du monde moderne supportera les conséquences pendant encore des décennies.

Il y avait désormais le Hamas qui câlinait les gazouis et harcelait Israël et l’Autorité palestinienne qui, rappelons-le, avait reconnu l’État d’Israël et signé un projet de paix « clé en main » qui réduisait la Palestine à une peau de chagrin, quelques pourcents de ce qu’elle était en 1949, le jour de la Nakba. Les poignées de main avec Arafat, les accords d’Oslo allaient vite être oubliés.

À toute vitesse, les gouvernements israéliens participaient activement à la colonisation des territoires qu’ils avaient eux-mêmes reconnus comme faisant partie de la Palestine lors des différents accords avec l’Autorité palestinienne. En fait, ces accords n’ont jamais été qu’un point de départ pour une conquête globale de la Palestine qu’Israël voulait faire disparaître de la carte. Les colons israéliens n’ont jamais arrêté d’employer tous les moyens pour chasser les Palestiniens de leurs terres reconnues et officielles. Chaque jour, depuis des décennies, les colons attaquent des Palestiniens chez eux. Ce ne sont plus les Palestiniens qui veulent détruire Israël, mais bien le contraire comme Netanyahou le démontre aujourd’hui. Personne ne peut croire que les destructions d’écoles, de crèches, de garderies, de camps de réfugiés ne sont pas intentionnelles et significatives.

Au quotidien, les crimes de guerre s’accumulent dans le silence des pays occidentaux, ceux là mêmes qui criminalisent pourtant en « métropole » les cris racistes sur les terrains de football ou qui téléphonent à leurs directeurs installés dans les médias publics quand un journaliste « dépasse » sa pensée, celle de la personne qui téléphone. On marche sur les œufs, les œufs de Netanyahou ou les œufs des électeurs : nul ne peut critiquer la politique de terreur d’Israël, même pas le Président de la France.

Il reste trois jours de campagne électorale aux États-Unis et ce mutisme va peut-être coûter la victoire aux démocrates. Et Israël en profite, pas tellement pour un « baroud d’honneur », pas question d’honneur ici, mais bien d’horreur. 24 octobre, Tsahal tire sur un blessé immobilisé à terre et sur ses secouristes. On achève bien les chevaux. Israël bombarde le nord de Gaza, où tout est détruit de l’aveu même de ce petit général israélien, « pour empêcher le Hamas d’y revenir ». En même temps, Israël déplace encore des déplacés, et bombarde ceux qui restent. Comme personne ne bronche, Israël s’occupe du Liban puis elle s’occupera du Yemen, de l’Iran,. Nous passerons de 50 millions de réfugiés/déplacés dans le monde à 100 millions et nous construirons des barrières, des douanes, des appareils, ou comme la mode, confierons la sous-traitance la misère à des pays limitrophes. Nos réserves de haine, de terreur, d’humiliation, de colère et d’agressivité.

Pourquoi ? En 2009, les journaux français s’inquiétaient de la « radicalisation » du Hamas et d’un « chaos prémédité ». L’éditorialiste du Nouvel Observateur, Jean Daniel parlait de banalisation d’une sanction aveugle où chaque camp tuait les enfants de l’autre, l’exact contraire de la paix.

Tout comme son pays a été piégé par une conception dépassée des relations internationale, Natanyahou a piégé l’Occident par ailleurs fort occupé à contempler le mouvement de contestation anti-occidentale qui se construit autour de la Russie, de l’Iran, de la Chine et de pays d’Amérique du sud. De colonies, puis de pays sous-développés, puis de Tiers-monde, puis de non-alignés, c’est en effet une force d’opposition qui se forme, beaucoup plu sérieuse et préoccupante que celle des non-alignés, de l’OPEP, des Farcs ou de je ne sais quel autre groupe. Même à l’intérieur de nos pays les oppositions se transforment en haines bien conscientes de ce que nous ne vouons pas voir dans notre petit quotidien : Nouvelle-Calédonie, Martinique, Mayotte alors qu’aux États-Unis, Trump fait trotter des insurgés en les gorgeant de balivernes. Même à l’intérieur de nos pays, nous voyons maintenant d’un autre œil ces élites, ces élus qui nous imposent leur propre confort et leur propre fortune comme un projet philosophique. Ce n’est pas la démocratie que nous avons mis en péril avec nos conquêtes, nos dominations, mais bien ce fameux « universalisme », pensée unique qui devait être l’ordre du monde mais en causera peut-être la fin.

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La guerre des escargots

La Fontaine aurait probablement trouvé un titre plus élégant, la guerre des tortues, par exemple, mais dans ce drame qui secoue les espoirs d’un monde « meilleur », nous n’écrivons plus pour notre Roi, mais pour des cinglés surarmés.

Quand les Russes se sont massés à la frontière Ukrainienne, en novembre 2021, le projet d’invasion était déjà déterminé. Pendant que les Européens se demandaient si les Russes oseraient entrer en Ukraine, une longue ligne de soldat et de matériel – près de 100 000 hommes – s’est formée jusqu’à la porte de l’Ukraine, observée par les États-Unis qui répétaient les mises en garde. Joe Biden, qui était certain que les Russes allaient attaquer a accordé, mi-janvier 2022, une aide de 200 millions de dollars à l’Ukraine.

Rétrospectivement, la notion d’escalade – et lenteur – s’applique tout autant à la manière dont la Russie a organisé son invasion qu’aux réactions militaires et politiques de l’Europe. Poutine est tout d’abord entré dans le Donbass où il a militarisé une milice pro-russe et il évoquait une « opération militaire spéciale » pour ne pas déclarer de guerre. En évoquant certains[1] groupes fascistes en Ukraine durant la guerre de 39-45, deuxième étape après le Donbass, Pourine justifie maintenant une escalade pour nettoyer des « fascistes ukrainiens » qui n’existent que dans son esprit.

À ce moment, il n’y a pas de grandes réactions en Europe, à part des condamnations et l’évocation de sanctions à venir. L’Allemagne continue de financer « l’opération » russe en achetant beaucoup de gaz, une aubaine. C’est un dynamitage des oléoducs en septembre 2022, par les services ukrainiens dit-on, qui a sauvé l’honneur de l’Europe, pas seulement celui de l’Allemagne.

De l’autre côté de l’Atlantique, un certain nombres de grandes entreprises états-uniennes ont quitté la Russie, peut-être pour ne pas risquer de perdre des clients, mais elles sont tout même parties alors que d’autres sont restées. Il ne faut pas toujours présumer d’une intention coupable. Le problème Russe, pour l’instant, est européen, une sorte de test sur l’Europe, pourtant, les États-Unis ont été plus déterminés.

Beaucoup de Russes ou de pro-russes ont quitté leur pays, mais pas toujours parce qu’ils étaient contre la guerre. L’immobilier européen a profité de cette manne sans trop se soucier des effets d’une telle immigration. En Europe, on est aussi causant qu’une banque Monégasque. Les sanctions ? Oh, c’est difficile… Les États-Unis demandent à l’Europe d’être plus sévère, l’Europe détient les deux tiers des avoirs russes à l’étranger. Ce n’est qu’en mai 2024 que l’union européenne a décidé d’utiliser les revenus de ces avoirs (environ trois milliards par an) pour financer l’Ukraine, par des achats d’armes entre autres.

Puis des sanctions ont été votées, parfois appliquées, mais avec des circonvolutions politiques qui les ont rendues inefficaces. Ce qui permet à Poutine de poursuivre sa politique étapiste jusqu’à créer un fait accompli pour le reste du monde, c’est à dire la conquête d’une bonne partie de l’Ukraine.

Ce n’est qu’en mai 2024 que l’Europe, enfin, augmente les droits de douane pour arrêter les achats de blé russe ! Sauf le blé qui transite par l’union européenne pour préserver la sécurité alimentaire mondiale.

What else ?


[1] https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/seconde-guerre-mondiale-la-collaboration-avec-les-nazis-en-ukraine-etait-comparable-a-l-europe-occidentale

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Le coup de grâce

Le coup de grâce

L’aveuglement volontaire se prolonge après l’éclair de flash que constitue l’étrange plan de paix  étatso-israélien.

Depuis le début du carnage à Gaza, l’objectif d’Israël était de reprendre le contrôle de Gaza. Pour Israël, la Palestine n’existe pas : les Palestiniens ont « un pays », la Jordanie, ils n’ont qu’à y aller. Israël et ses alliés sont bien conscients que l’installation du Hamas comme gouvernement de Gaza, voulue et aidée par Israël, a été une erreur qu’il faut purger. Les Israéliens pensaient liquider la puissance politique et diplomatique de la Palestine. Tout ce temps a permis au Hamas de faire de Gaza une base milicienne pour harceler Israël en permanence, avec toutefois un effet politique scabreux : réduire la Palestine au Hamas et à Gaza. Le Hamas restait bien entendu loin de pouvoir livrer une vraie guerre, Israël bénéficiant de technologies de protection et d’agression bien supérieures à celles du Hamas et de tous les autres pays arabes : le dôme de fer, l’armement et l’aviation fournis par les pays occidentaux.

Le Gaza d’Israël et des États-Unis n’est pas la Palestine. Israël continue tous les jours à coloniser la totalité des territoires, ceux qui, pour l’instant, restent sous le contrôle des Palestiniens, et ceux, déjà grugés et colonisés par des extrémistes israéliens encouragés par les gouvernements successifs d’Israël. On connaît cette filière qui extrait des citoyens d’autres pays, d’Afrique ou de Russie, et les aide à s’installer dans ces territoires volés avec l’aide de l’armée. Les conditions de cette phase de colonisation sont à peine meilleures que celles dans lesquelles vivaient ces immigrants arrachés ici et là.

Gaza est une partie séparée de la Palestine, comme beaucoup d’autres. Les colonies ont puzzélisé ce pays en des morceaux qui ne peuvent plus être réunis parce qu’Israël non seulement l’interdit, mais continue de les diviser ou de les faire disparaître. Il n’y a déjà plus de pays, et bientôt plus de territoire. Les Palestiniens, ceux qui sont restés ou qui ont survécu vivent dans un espace minuscule aujourd’hui complètement détruit comme Gaza ou constamment razzié par des colons juifs.

Alors qu’Israël continue de dépeupler la Palestine, il est interdit aux Palestiniens qui ont quitté le pays d’y revenir. Le droit au « retour » qu’Israël hurle pour lui-même et pour des gens qui n’ y ont jamais vécu, il le refuse à son voisin. Les Palestiniens, s’il ne sont pas victimes d’un génocide de grande ampleur sont victimes d’une politique d’attrition imposée par les armes, c’est aussi une définition d’un génocide, personne ne détient de droit d’auteur sur ce genre d’horreur. 

À force de livrer une guerre au rythme d’un œil pour mille yeux et d’une dent pour 1000 dents, de bloquer le retour des migrants et réfugiés, Israël compte bien se débarrasser des Palestiniens. Netanyahu, des généraux et une partie de la population l’exprime très bien et souvent : « pourquoi devrions-nous épargner la vie de gens sans valeur (les civils innocents) quand nous pouvons tuer des terroristes du Hamas » ?

Cela, la communauté internationale ne peut pas ne pas le voir et les Israéliens encore moins. Lorsqu’on a vu les camps allemands au milieu des villages, on est stupéfait par le silence des citoyens. Dans les guerres, le silence est partout où des bombes explosent, où des vies sont sacrifiées, où des populations disparaissent. C’est un silence qui couvre le bruit de la guerre et permet de la continuer et semble l’approuver.

Dans les discours des chefs d’États qui se réunissent ce 6 juin, il n’y a plus de Palestine. Il y a Gaza et Gaza. Les Occidentaux voudraient évidemment reconstruire puis implanter une sorte de système politique qui aurait pour but d’empêcher l’OPA hostile d’Israël et un nouveau Hamas. Pour le reste, il n’y a pas de plan. Maniant le paradoxe, Macron nous dit bien qu’il ne pourra y avoir de paix si l’Ukraine accepte de perdre, mais n’applique jamais cette idée ailleurs, en Calédonie ou en Palestine. Pourtant, le projet de paix  proposé est un pari  aux conséquences mortelles : La Palestine disparaitra ou la guerre sera éternelle.

D’où vient ce plan de paix ? Un truc pour ajouter une casserole à Netanyahu ?, Un autre piège pour  contraindre les Palestiniens à accepter de bâtir un pays de la taille du Vatican ? Ce ne sera certainement qu’un au revoir, jamais un plan de paix.

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Il y a quelque chose d’indécent…

Il y a quelque chose d’indécent dans l’entêtement du gouvernement français à faire perdurer un régime de retraite injuste et condamné : le régime par répartition.

La raison officielle invoquée, c’est de maintenir ce système à tout prix parce qu’il est menacé. Le nombre de personnes qui travaillent pour payer les pensions des retraités diminue de plus en plus au point de ne plus pouvoir être viable d’ici quelques années. Le gouvernement prétend sauver ce système parce que le nombre de cotisants ne diminuera plus après 2030 et qu’il faut quand même repousser l’âge de la retraite à 64 ans pour finaliser le sauvetage de la répartition.

Bien évidemment, le régime est condamné. Rien n’indique qu’il y aura, un jour, assez de cotisants au travail ou moins de retraités pour maintenir le système. Rien n’indique non plus qu’en contraignant les actifs à travailler jusqu’à plus d’âge sauverait le système. Beaucoup de facteurs sont inconnus. Les crises économiques, le chômage pourraient plomber un équilibre précaire. Elles ne disparaitront pas comme le gouvernement semble le croire, parce qu’elles constituent des aléas nécessaires pour éliminer les bulles créées par nos comportements, tout comme les guerres ou les orages écologiques. Le gouvernement français évoque « les autres pays d’Europe », qui reculent périodiquement l’âge du départ à la retraite, comme l’Allemagne, qui vise 67 ans !

Cette croyance que la répartition peut survivre affirme que l’on vit de plus en plus longtemps « et en bonne santé », ce qui justifierait de travailler plus longtemps. La réalité est plus complexe : plus on vieillit, moins on est capable de bien réaliser un grand nombre de tâches. Curieusement, pour ces théoriciens politiques, l’amélioration des conditions de travail, la robotisation, au lieu d’autoriser une retraite à 60 ans, permettraient aux personnes plus âgées de travailler sans effort et donc plus longtemps. Mais pourquoi ? Si certaines personnes restent en excellente forme à 60 ou 70 ans, d’autres, celles qui ont commencé à travailler très tôt, celles qui ont connu la maladie, celles qui ont travaillé fort, ont une espérance de vie inférieure de six ans à celle des plus favorisés. On parle bien ici de classes sociales et d’inégalités entre les citoyens et les citoyennes, qu’il s’agisse de genre, de classes de travailleurs et même d’origines ethniques, éloignées ou pas.. Un régime de retraite juste devrait au contraire mettre en place une solidarité qui reconnaîtrait à tous citoyens un droit de s’arrêter quand il est encore temps et un droit de remettre à zéro les inégalités dont il et elles ont souffert au cours de leur vie. Pour eux, il reste en effet à peine 10 ans de vraie retraite et la plupart du temps, en mauvaise santé. Quand on meurt plus tôt, en général, on est aussi malade plus tôt…

Comme le montrait un ministre, sa réforme ne fera que constater et pérenniser à la fin de la vie les inégalités de la vie au travail !

Loin d’être un simple problème comptable géré par des actuaires libéraux improvisés, la retraite est un déterminant socio-économique. Ce n’est pas un simple problème de déficit. C’est un choix de société et non pas un programme de parti politique. Une fois exprimé démocratiquement par les citoyens, dans la rue, par les syndicats, voire par une consultation bien informée (pas un simple référendum sans débat) le pouvoir doit examiner les possibilités de financer le choix de la population et abandonner le sien.

Il existe pourtant beaucoup de moyens de réformer le régime de retraite par répartition, d’en faire un hybride. Les arguments utilisés pour dire que le système par répartition est viable montrent au contraire au contraire qu’il peut et doit être changé. Dans sa communication, le gouvernement prétend éviter l’augmentation des impôts en reculant l’âge de la retraite. En fait, ce n’est qu’une seule et même chose : faire travailler plus longtemps, c’est aussi un impôt en nature. À condition évidemment que ces années de travail puissent être créées dans une économie qui met bien des travailleurs au chômage après 55 ans. Mettre à l’amende les entreprises qui ne conserveront pas assez de vieux travailleurs ne créera pas de l’emploi.

Dans plusieurs pays, les salaires des générations montantes connaissent des augmentations importantes qui compensent, en partie, le déficit de cotisants. L’égalité entre les femmes et les hommes (et pas seulement l’égalité salariale) aurait le même effet. Les gains en productivité, la robotisation, l’informatique pourraient à la fois créer un système de retraite plus équitable et poursuivre le mouvement de réduction du temps de travail hebdomadaire que connaissent les meilleures économies. De fait, la durée des vacances annuelles, la durée de la semaine de travail connaissent de grandes variations d’un pays à l’autre. Là encore, il s’agit de projets sociaux, chaque société vivant et finançant celui qu’elle a adopté…

Tout cela ne se produit évidemment que lorsque cette évolution sociale se produit effectivement, à l’encontre de propositions libérales qui visent à sauver la consommation plus que le régime par répartition. Il faut que l’ascenseur social fonctionne, ce qui n’est pas le cas en France. La baisse du chômage sur papier, la création importante de nouvelles entreprises, chère au gouvernement, ne reflètent pas toujours une économie saine, mais une paupérisation de l’économie. Travail à temps partiel, microentreprises génèrent des revenus inférieurs, des cotisations inférieures et des retraites inférieures. Mille euros par mois, comme entrepreneur, chômeur ou retraité, cela reste inacceptable. Quand, en plus, l’État revendique une captation de ces faibles revenus pendant quelques années de plus pour préserver la retraite par répartition et, pourquoi pas comme il l’annonce, éponger d’autres déficits, c’est une bombe socio-économique qu’il peaufine, pas une réforme des retraites.

L’évolution la plus probable et la plus juste du système par répartition consisterait justement à l’abandonner, en établissant un régime mixte associé à d’autres mesures plus ou moins directement reliées à la retraite. En passant, il faut rappeler que, partout dans le monde, les disparités dans les régimes de retraite ont été d’abord un moyen de négocier les conventions salariales : dans la fonction publique, dans plusieurs métiers, les patrons ont trop souvent troqué un salaire juste contre le mirage du financement patronal d’une bonne retraite. Aujourd’hui, ils voudraient bien reprendre leur cadeau au prétexte de rétablir l’égalité…

Au Québec, outre le régime de pension du Canada, il existe un régime géré par le gouvernement en plus de régimes privés. Les prestations générées par ces régimes sont meilleures que les Françaises. Le système est soutenable sur de longues périodes, complété par une grande variété de régimes de pension privés financés par les employeurs et les employés. Il existe donc des différences importantes parmi les retraités. Certains régimes de pension sont extrêmement riches (Enseignants ou policiers) grâce à la fois à des cotisations importantes et à une gestion performante. Des corps policiers reçoivent une pension après seulement 25 années de service… Dans l’ensemble, il est vrai que le système est inégalitaire puisque tous les citoyens n’ont pas accès à des régimes privés, néanmoins, ces régimes ne nuisent pas aux autres retraités dans la mesure où ils sont entièrement autofinancés et ne connaissent pas de déficits comblés par l’État, ce qui n’est pas toujours le cas dans la fonction publique par exemple. Enfin, pour réduire d’éventuelles inégalités dans les revenus à la retraite, le moyen choisi par Fidel Castro existe encore : l’impôt, largement utilisé par les États, mais pas toujours pour réduire les inégalités.

Toujours au Canada, il existe aussi un système d’épargne-retraite (RÉER). Le montant versé dans un compte spécial est déduit de l’assiette de l’impôt de l’année en cours (une économie d’impôt variable selon le salaire). Le montant déposé au cours des années auquel s’ajoutent les revenus d’intérêt ou de gains en capital sera imposé au taux en cours au moment du retrait, en principe plus élevé si les revenus globaux augmentent avec l’âge. Cela fait dire que ce régime d’impôt différé n’est pas avantageux pour le contribuable qui pourrait payer plus d’impôt qu’il n’en a économisé, mais en réalité c’est une épargne qui peut devenir considérable à l’âge de la retraite, soit plusieurs dizaines – ou centaines – de milliers de dollars, en plus de constituer un coussin financier en cas de problème puisqu’il est possible de retirer des fonds en tout temps à condition d’ajouter le retrait au revenu de l’année.

Plus révolutionnaire : deux syndicats québécois ont créé leur propre régime d’épargne-retraite (Fonds de Solidarité FTQ et Fondaction CSN). Sauf cas spéciaux, il n’est pas possible d’effectuer des retraits avant la retraite. Les montants déposés donnent droit à une économie d’impôt encore plus grande qu’avec le RÉER, et les fonds reçus des cotisants sont utilisés pour soutenir le développement économique du Québec. Ces fonds peuvent, par exemple, détenir une part importante du capital d’une entreprise afin d’éviter qu’elle soit rachetée par une société étrangère, ou encore, accorder des prêts. Ils sont en quelque sorte les pendants ouvriers des fameux pensions funds nord-américains, si décriés en Europe et ils viennent pallier l’immobilité des États en matière d’égalité et d’orientations économiques.

Les rendements de ces fonds « syndicaux » sont excellents sur le long terme et sont accessibles par un plus grand nombre de travailleurs. Ils constituent un pas très important vers la participation des employés au capital des entreprises et pas seulement dans le capital de leur employeur et ont un poids non négligeable dans les choix économiques et industriels du pays. Il y a là une expérience d’investissement, d’intégration dans son système économique qui est crucial pour le développement d’une économie moderne et pour le rééquilibrage dans les systèmes de retraite.

Enfin, il faut dire que la vie en société n’est pas (seulement) une question de chiffres. Ce n’est pas en basant les revenus des citoyens à la retraite (et même bien avant) sur leur participation à l’élaboration de la société que l’on forge une société cohérente et heureuse. Toue le monde ne vit pas la même vie. Certains, travaillent plus, d’autres connaissent des passages à vide et il est normal que ceux qui « réussissent » payent pour ceux qui « ne sont rien », les « sans dents ». C’est le principe même de solidarité, de l’assurance, de l’assurance sociale. Quand on veut faire société, il faut d’abord définir ce que l’on veut, puis voir comment on peut le financer, pas le contraire. La France, à cet égard n’a pas à s’aligner sur les autres pays d’Europe qui, par ailleurs, en matière de travail et d’organisation de la vie sociale ont élaboré des systèmes différents, parfois au prix d’une précarité systémique.

En matière de retraite, s’il est vrai que travailler au SMIC toute sa vie ne donne pas une meilleure retraite que lorsque l’on a à peine travaillé, il faut augmenter la retraite de la personne qui a travaillé et non pas diminuer celle de la personne qui a travaillé moins. Les humains sont des êtres grégaires et sociaux. C’est la diversité des individualités qui cimente l’ensemble : artistes, lanceurs d’alerte, entrepreneurs, délinquants, bénévoles généreux sont des révélateurs de nos sociétés, des êtres réels que les rouages démocratiques se doivent de régler, d’harmoniser, de reconnaître. Les citoyens ont droit à des moments de paresse, à un métier moins dur, à des pauses, volontaires ou pas, àde nouvelles études, à une formation continue, ils ont le droit d’être faibles et je crois que les excès sont rares lorsque la société que l’on crée est intéressante, libre, consensuelle. L’intérêt est le principal moteur, comme la possibilité de réaliser sa vie comme on le veut. Ne pas pénaliser, ne pas exclure sont les clés du progrès. Généralement, tous les citoyens veulent travailler et seul un très petit nombre cherche à se soustraire à l’effort collectif ou à en profiter. Souvent même, avec raison, avec des motifs valables comme celui de ne pas être embrigadé dans un groupe confus, résigné. La dissidence a une valeur inestimable et il n’est pas vrai qu’elle entrainera le chaos si on ne l’éradique pas, bien au contraire.

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